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Du manuscrit à la voix, du chanteur à l'enchanteur : jouer Robin et Marion

En 1896, au moment où Ernest Langlois établissait sa première édition1 du Jeu de Robin et Marion, il pouvait s'appuyer, depuis celle de Monmerqué2 (1822) jusqu'à celle de Rambeau (1886)3, sur pas moins de sept éditions antérieures. Un tel engouement éditorial est sans équivalent : légère, charmante dès l'abord, la pièce avait tout pour séduire les romantiques. Mais surtout, elle allait s'imposer à eux comme le « premier opéra-comique », curieuse illusion d'optique qui fait d'elle la seule émanation du Moyen Âge français à avoir été revendiquée à parts égales par les historiens de la musique et par ceux de la littérature ou du théâtre (figure 1), ce qui pourrait être à l'origine d'une certaine émulation entre éditeurs issus des deux bords.

enluminure
Figure 1 : Dans cette enluminure du manuscrit d'Aix, le « musicologue » (à gauche) semble déjà négocier âprement avec le « philologue » (à droite, reconnaissable à son index éloquent) : lequel des deux s'assurera-t-il la propriété de l'œuvre ?
Lorsque, presque exactement un siècle plus tard, l'Opéra-Studio de Genève4 m'a demandé de fournir la partition qui servirait à une production scénique du jeu, il devait bien en exister une vingtaine d'éditions. Parmi celles-ci, deux se détachaient, à la fois récentes, exactes et abouties : celle de Badel5 (à laquelle manquait toutefois la musique) et celle de Schwam-Baird (texte) et Scheuermann6 (musique). Ce n'était pourtant pas l'une d'entre elles qui, dans l'esprit, s'approchait le plus de l'édition dont je rêvais, mais bien celle de Coussemaker7, qui remonte à 1872. J'avais en effet, en acceptant la mission, posé comme seule condition qu'on ne traduise rien, ni texte ni musique : la transcription très diplomatique, sans guère de parti pris, qu'avait livrée le grand musicologue belge, et en particulier le fait qu'il ait maintenu les éléments musicaux à leur place, c'est-à-dire au sein du texte littéraire en en donnant une transcription conforme à la notation originale, était à mes yeux un atout majeur, dont aucune des éditions ultérieures ne pouvait se prévaloir. Le travail de Rambeau, qui offre une vision synoptique des trois manuscrits, sans ajouter la moindre ponctuation étrangère aux sources8, indiquait aussi une voie à suivre.

C'est donc avec ces deux éditions anciennes comme modèles, et en sautant à pieds joints par dessus celles du XXe siècle, que j'ai résolu de me plonger dans le manuscrit retenu. L'exercice exigeait en effet qu'on s'appuie si possible sur une source unique. Pour cela, le manuscrit de la Vallière9 s'imposait car c'est le seul des trois qui se suffise à lui-même. Mon travail10 consisterait ensuite à concilier autant que faire se peut deux exigences en apparence contradictoires : réaliser du manuscrit une transcription précise qui le décrive de la manière la plus neutre possible tout en fournissant une « partition », c'est-à-dire un document sur lequel les interprètes, comédiens-chanteurs, puissent directement travailler.

« Ce petit volume est une œuvre de vulgarisation... »

enluminure
Figure 2 : Dans cette autre enluminure du manuscrit d'Aix, on croit voir l'auteur (en haut, au centre, avec son index éloquent) transmettant ses directives à l'éditeur (tout à droite). Au centre, l'interprète, à genoux devant son public, assis tout à gauche, semble lui présenter l'œuvre à la manière d'une offrande.

Être invité, dix ans plus tard, à évoquer cette aventure scénique devant un auditoire universitaire m'incite à reprendre la réflexion sur la tâche de l'éditeur d'une œuvre qui, comme Robin et Marion, doit être jouée pour atteindre son public (figure 2). Exemplaire à plus d'un titre, la première édition de Langlois est en fait un « anti-modèle » idéal. En positionnant d'emblée son « petit volume », pourtant tiré à cinq cents exemplaires seulement, comme une « œuvre de vulgarisation », l'éditeur prétend toucher directement le public le plus large. Dès la première phrase de sa préface, il se définit donc lui-même comme une sorte de « super-interprète » qui, par sa seule présence, rend inutile l'action de l'interprète proprement dit. Mais il va plus loin :

Le texte du poème a été établi suivant la plus rigoureuse méthode de la critique moderne et avec tout le soin qu'on y aurait apporté dans une édition savante. J'ai classé les manuscrits ; j'ai étudié la forme et l'orthographe des mots dans les documents artésiens contemporains du trouvère, mais je me suis dispensé de faire l'exposé de ces minutieuses recherches et de justifier les conclusions auxquelles je me suis arrêté.
Ce n'est pas la première fois que le Jeu de Robin et Marion est publié ; j'en connais six éditions, sans compter celle de M. Rambeau. La meilleure, la seule bonne, est celle de K. Bartsch. La mienne diffère encore de celle-ci en ce que j'ai méthodiquement comparé les trois manuscrits ; en ce que je me suis efforcé de reconstituer le dialecte artésien de la pièce ; enfin, par la suppression d'une centaine de vers interpolés, dès le XIIIe siècle, dans la version qu'ont reproduite jusqu'ici tous les éditeurs.

Il est aussi « celui qui sait » ; le détenteur jaloux de « la méthode de la critique moderne », arme absolue qui, par sa seule puissance, rendra sa propre édition encore meilleure que la seule qu'il reconnaît comme bonne11. L'humble lecteur n'a donc plus qu'à s'incliner devant le texte qui lui est imposé, même si – mais a-t-il seulement les moyens de s'en rendre compte ? – il s'agit d'un texte qui n'existe pas, ou en tout cas dans aucune des sources connues de l'œuvre. L'éditeur, auquel sa « méthode » assure un accès direct aux méandres les plus secrets de la pensée d'Adam, prétend donc en donner une version qui soit meilleure que la meilleure des sources médiévales. On note au passage que cette « méthode critique » a dû encore progresser entre 1896 et 1924, tant la seconde édition de Langlois diffère de la première par une multitude de détails. À quand une édition critique des éditions de Langlois ?

Avec Langlois et Coussemaker, deux archétypes éditoriaux s'opposent : un archétype « littéraire » et un archétype « musical ». Dans le premier, l'éditeur, en s'appuyant sur une ou plusieurs sources, va s'efforcer de construire l'œuvre. Cette œuvre sera imprimée dans un livre qui sera ensuite placé sur les rayons d'une bibliothèque. Il se peut qu'un lecteur ouvre le livre et que, sur un mode silencieux et non linéaire, il en intellectualise le contenu, mais cela reste extérieur au processus de publication, qui s'arrête avec la diffusion de l'objet « livre ». Dans le second, l'éditeur s'efforce au contraire de transcrire la source en constituant une partition qui n'aura de raison d'être que si un interprète en prend possession. C'est à cet interprète qu'il reviendra de construire l'œuvre en en donnant, si possible en public, une version structurée dans le temps et dans l'espace sonore. L'archétype « littéraire » est à ce point reçu qu'il est d'usage, par métonymie, de confondre le contenant « livre » avec le contenu « œuvre ». Lorsqu'on dit : « j'ai aimé ce livre », ce n'est évidemment pas au papier et à l'encre qu'on fait référence. Rien de tel dans l'archétype « musical ». On dira certes : « c'est une partition difficile » en pensant à la prouesse technique que représente l'acte d'exécution, mais on préférera presque toujours : « j'aime cette œuvre » à : « j'aime cette partition ». Cette asymétrie de l'usage éclaire bien le rôle particulier qu'assigne à l'éditeur chacun de ces archétypes : interprète de la pensée de l'« auteur » et détenteur des clefs de l'œuvre dans le premier, simple passeur donnant accès à la source dans le second.

La préface de 1896 a le grand mérite de revendiquer fièrement les interventions de l'éditeur (dans celle de 1924, plus succincte, Langlois n'y fait que brièvement allusion, comme si leur légitimité était définitivement acquise) : intervention sur l'architecture avec retranchement du Jeu du Pèlerin et de ce qui est qualifié d'« interpolations » du manuscrit P, intervention sur la langue avec reconstitution du dialecte présumé d'Adam de la Halle et intervention sur la musique, de facto superflue et dont une très mauvaise transcription figure en annexe en 1896, complètement absente de l'édition de 1924. Aujourd'hui, ces trois interventions méritent chacune un réexamen.

Le diptyque démembré

Ces interpolations, aussi grossières que le Jeu du Pèlerin, font tache dans l'œuvre gracieuse d'Adam et je les en ai retranchées.

C'est par ce jugement presque moral que Langlois justifie la première de ses interventions. Le Pèlerin est-il aussi « grossier » que l'affirme Langlois ? Robin et Marion est-il aussi diffusément « gracieux » qu'il le pense ? Chacun répondra pour soi-même à ces questions. Reste que, juste ou injuste, le verdict de Langlois a fait jurisprudence : aucun éditeur après lui n'a plus osé publier le Jeu du Pèlerin et les « interpolations » tels quels. Au pire, ils passent à la trappe ; au mieux, ils se voient reléguer en annexe.

Tout cela serait anodin s'il n'était pas manifeste que, dans le manuscrit de la Vallière, les œuvres plus ou moins clairement attribuées à Adam de la Halle sont agencées selon une architecture de recueil qui ne doit rien au hasard12. Il est évident par exemple, que le Jeu du Pèlerin, « prologue » du Jeu de Robin et Marion, présente de nombreuses similitudes ou symétries avec la première partie du Jeu de la Feuillée : dans les deux cas, l'entrée de jeu est assurée par un personnage qu'on imagine en robe qui s'adresse aux « seigneurs » (le public) en ces alexandrins « lâches » qui admettent la césure dite épique. Dans les deux cas, il est interrompu au milieu d'un vers. Dans la Feuillée, ce personnage s'apprête au départ ; dans le Pèlerin, il revient après un long périple. Alors que, dans le premier cas, le personnage en robe est Adam, qu'on imagine incarné par lui-même, il en est plutôt, dans le second, une évocation : voyages réels ou mythiques aboutissant à la mort, réelle ou feinte du poète – ne serait-il pas piquant qu'ici aussi Adam ait lui-même joué le pèlerin et donc, riant sous cape, pleuré sa propre mort ?

Quoi qu'il en soit, ces deux épisodes renvoient l'un à l'autre, comme deux panneaux qui se feraient face dans le diptyque13 des œuvres « dramatiques » d'Adam : à droite, volet de la Feuillée, on est dans la proximité immédiate de la taverne, où pérore le personnage en robe ; à gauche, volet de Robin et Marion, le même personnage, ou un autre qui lui ressemble étrangement, est debout sur la place, apostrophé par un bourgeois et, à une certaine distance, on aperçoit la taverne (Vous ariés ja plus chier a sir en le taverne) et, peut-être même, par la porte entre-ouverte, les buveurs. Une fois admis que le Jeu du Pèlerin a sa place dans l'ensemble, on voit immédiatement que, au-dessus, les panneaux continuent à se faire face deux à deux : la pastourelle14 de Robin et Marion à la féerie de la Feuillée et, tout en haut, la bergerie à la scène de taverne. Je reviendrai sur ces correspondances.

L'entité que nous connaissons sous le nom de Adam-de-la-Halle-dit-le-Bossu-d'Arras est-elle un personnage historique, plusieurs individus que l'enfilade de l'histoire nous présenterait comme un seul, ou encore un ou plusieurs personnages imaginaires ? Probablement un inextricable mélange de tout cela. Même les éléments biographiques qui sont aujourd'hui les mieux admis, comme le voyage à Naples qu'on trouve cité un peu partout, ne reposent sur aucune attestation historique sérieuse15. Dans ces conditions, la question de l'« attribution » ne perd-elle pas une bonne partie de sa pertinence ? Que l'architecte du diptyque et le peintre de chacun des panneaux soient une seule et même personne ou un collectif indéterminé que, par commodité, on aurait choisi de baptiser « Adam » et qu'on aurait doté d'une biographie semi-imaginaire est somme toute de peu d'importance. L'essentiel est que le diptyque ait survécu aux offenses du temps et que, dans son architecture comme dans la peinture de chacun de ses panneaux, il remonte aux environs de 1300. Quel meilleur gage d'« authenticité » pourrait-on exiger ?

Accepterait-on aujourd'hui qu'un conservateur de musée sourcilleux, au motif qu'un de ses panneaux est moins léché que les autres, l'envoie à la casse ou le relègue dans une obscure réserve, démembrant ainsi un diptyque médiéval ? C'est pourtant ce qu'a fait la longue filière des éditeurs de Robin et Marion. On devrait maintenant admettre que le manuscrit de la Vallière, comme l'a dit Dominguez16, contient la « partition complète des Jeux arrageois ». Par conséquent, le moins qu'on puisse attendre des éditeurs futurs est que, tournant le dos à la « jurisprudence Langlois », ils livrent aux interprètes cette partition complète dans l'agencement qui est le sien. La question de coupures éventuelles, éminemment pratique (de combien d'acteurs dispose-t-on, quel est le budget, quel est le temps imparti au spectacle, devant quel public sera-t-il joué ?) doit être rendue aux interprètes.

Un jeu sur le jeu

Les six panneaux du diptyque ayant trouvé leur place dans l'espace bidimensionnel de ses volets, on peut maintenant examiner la question de la profondeur, dont le traitement diffère complètement d'un côté à l'autre. À droite, le décor est peint sur un seul plan, celui des panneaux : le lieu de la représentation semble se confondre avec le lieu représenté (la taverne et ses environs immédiats). Ainsi, la féerie s'installe-t-elle à la table-même qui accueillera les buveurs, et qui est peut-être aussi celle des spectateurs. Seule la temporalité change, le temps des mortels étant comme suspendu pendant l'action des fées (on évoque un arrêt sur image pour ainsi dire cinématographique) et reprenant comme si rien ne s'était passé après leur départ. Peut-être le temps des spectateurs est-il aussi suspendu, mais alors pour toute la durée du jeu.

Rien de tel à gauche où les niveaux de jeu s'enchâssent les uns dans les autres au fil d'un temps qui reste linéaire. Au premier plan, le pèlerin dialogue avec les bourgeois d'Arras et annonce qu'un jeu d'Adam va être représenté, levant le rideau sur la pastourelle (deuxième niveau). Après le départ du chevalier, les bergers jouent, notamment aux rois et aux reines (troisième niveau). Au sein de cette cour burlesque va se lever un ménestrel qui va jouer une chanson de geste (quatrième niveau). Et l'auteur pousse le raffinement jusqu'à lui faire citer un vers unique qui comprend un discours direct, dernière forme de jeu qui donne vie au personnage de Raimberge (cinquième niveau) ; ce dernier accomplit lui-même le tour de force, en quatre syllabes, de dire, tout en annonçant qu'il dit, créant par là-même un sixième niveau virtuel qui se restreindrait à un seul mot : « bouse ! »

Le volet Robin et Marion est donc entièrement peint en une perspective dont le Jeu du Pèlerin constitue l'élément de base, celui qui établit le lien avec le hic et nunc arrageois, et dont le point de fuite n'est autre que cette citation sibylline de la Chanson d'Audigier :

Audigier dist raimberge bouse vous di

qui pourrait donc bien être moins insignifiante qu'il n'y paraît. Sur cela, je reviendrai aussi.

La fonction d'enchantement

L'articulation de la pastourelle et de la bergerie est un problème qui se posera à toute troupe désireuse de représenter Robin et Marion. En effet, si l'intention de l'auteur s'était limitée à faire jouer les aventures de Marion, de Robin et du chevalier, et si la pièce se dénouait avec le départ de ce dernier, à quoi rimeraient les trois cents derniers vers du poème, soit l'ensemble de la bergerie ? Langlois (1896) croit tenir la réponse :

Enfin, cette petite pièce se recommande par un autre mérite : elle est une peinture fidèle, minutieuse même, de caractères et de mœurs champêtres du XIIIe siècle. Cette peinture est le sujet réel du poème.

Mais cette réponse se heurte à deux objections majeures. La « peinture » est-elle aussi fidèle que le veut Langlois ? Même sans être expert de la vie quotidienne des bergers au XIIIe siècle, on peut en douter. D'autre part, quel aurait été l'intérêt, pour un public du temps, d'assister à la représentation exacte de ce qu'il pouvait voir au naturel à peine franchies les portes de la ville ?

C'est une fois encore de la disposition du diptyque que pourrait venir la lumière. À l'étage médian du volet de gauche, la pastourelle fait face à la féerie du volet de droite. Comme les deux panneaux inférieurs (le Pèlerin et la première scène de la Feuillée), ces panneaux médians ont, dans l'ensemble, une fonction analogue, que j'appellerai fonction d'enchantement. À un panneau inférieur fondé sur le verbe et la dialectique succède de chaque côté un panneau faisant appel au merveilleux, celui de l'irruption des fées ou celui d'un conte pastoral mis en musique17. Le spectateur du Jeu du Pèlerin était du reste averti, qui voit Roger et Garnier commenter les mérites d'Adam :

Rogaus ·
Et s'estoit parfais en chanter
Warniers ·
Savoit il dont gent enchanter
Or pris je trop mains son affaire
Rogaus ·
Nenil ains savoit canchons faire

L' équivoque enchanter – chanter, trop vite dissipée, laisse place au doute, ce d'autant plus qu'à ce passage répond le :

Chascuns puet revenir ja tant n'iert encantés

d'Adam au début de la Feuillée.

Il n'est guère difficile de se représenter la féerie de la Feuillée comme un panneau « détachable » : non seulement cet épisode possède sa cohérence propre, mais encore il vient interrompre le fil principal du jeu et il serait à la rigueur possible de le supprimer. Même si cela est moins apparent, il en va de même pour la pastourelle de Robin, qu'on pourra être tenté de représenter isolément, mais qu'on pourrait aussi, à l'extrême rigueur, couper en passant directement du Pèlerin à la bergerie (celle-ci ne fait, en tout cas, pas la moindre allusion au chevalier ni à l'épisode de la pastourelle). Le dénouement de la pastourelle, comme celui de la féerie, n'est donc que local : c'est la bergerie qui est, aux deux sens du terme, la véritable fin du Jeu de Robin et Marion. Mais quelle fin ?

Dans le rite de la messe, la liturgie de la parole fait place à la contemplation mystique de l'élévation et au miracle de la communion. C'est peut-être la même vieille « ficelle » rhétorique qu'a voulu tirer Adam : après avoir « fatigué » son spectateur en argumentant (panneaux inférieurs), il va, au sens le plus fort du terme, le charmer en faisant appel au merveilleux (panneaux médians), coup de grâce qui endormira sa méfiance (tout comme s'endort le moine de la Feuillée pendant la féerie, et tout comme s'endort Robin tandis qu'« on en maine marot »). Ensuite seulement pourra s'opérer la révélation, et donc jaillir la vérité. Mais, dans le cas des jeux d'Adam, cette vérité, censée occuper les panneaux supérieurs, ne peut être qu'absurde : diluée dans les propos sans queue ni tête du dervé du côté droit et, du côté gauche, concentrée dans ce seul mot de bouse vers lequel converge savamment la perspective.

Un mot encore sur la citation d'Audigier qui semble bien être le dénouement final du Jeu de Robin et Marion. Comme l'a relevé Jodogne18, éditeur de cette parodie scatologique de chanson de geste, l'original du vers cité est :

Audigier, dit Grinberge, bouse vous di

Grinberge étant l'ennemie d'Audigier alors que Raimberge, citée par Adam, est sa mère. Et Jodogne d'ajouter :

Cette erreur de copiste ne se comprend que si celui-ci ne connaissait pas notre poème.

Et si, au contraire, Adam et son public ne l'avaient que trop bien connu, et que la confusion soit volontaire ? À la mère conchiant son propre fils, annoncée par Garnier dans le Jeu du Pèlerin :

Elle est l'estronc de vostre mere

pourrait répondre, du côté de la Feuillée, l'épisode tout aussi contre-nature du dervé faisant mine de saillir son propre père ou, tout à la fin du jeu, celui où il se plaint qu'on le compisse.

« Doit on dire ses dis chi endroit et aprendre »

Confronté à leurs traces écrites, l'interprète moderne des jeux d'Adam cherche à savoir comment s'exprimaient les personnages, ou plutôt comment des « comédiens », jongleurs professionnels ou de circonstance, pouvaient prononcer un texte en vers qui, vraisemblablement, leur avait été transmis sous une forme écrite – ressemblant plus ou moins à l'un des manuscrits conservés – et qu'ils avaient mémorisé19.

C'est une question à laquelle les linguistes n'ont guère répondu : ce qui est une fin pour l'interprète, à savoir un texte littéraire qu'il faut dire20, n'est, pour le linguiste, qu'un moyen de fortune pour remonter aux structures de la langue. Il n'en demeure pas moins que la doctrine proposée ou imposée par les linguistes est susceptible, quelle qu'elle soit, de se répercuter sur sur les choix de l'interprète.

Si l'on en croit Langlois, Adam, ainsi que ses personnages, s'exprimaient dans un pur « dialecte artésien ». Pourquoi ce dialecte n'a-t-il pas été transmis tel quel par les manuscrits ? Un doute le saisit en 1924, plus rhétorique que réel : Adam aurait-il pu « perdre » son dialecte au cours de son présumé voyage en Italie ? Non, bien sûr. Les responsables tout désignés de cette transformation sont les scribes, et notamment celui du manuscrit Pa, qui a « modifié son orthographe » au contact du Roman de la Rose qu'il venait, semble-t-il, de copier.


Principe Résultat
Approche néogrammairienne pureté dialectale <=> corruptions scribales picard (« artésien) <=> « francien>
Approche structuraliste scripta <=> dialectes oraux scripta franco-picarde <=> dialecte picard
Approche sociolinguistique koinéisation (supra)-régionale langue urbaine « mélangée »

Figure 3 : les diverses approches linguistiques selon Lodge (2008)

Avec Lodge21, on qualifiera de « néogrammairienne » cette approche qui veut voir la langue comme un ensemble de dialectes « purs » qui évolueraient en parallèle sans interaction les uns avec les autres. Si l'on embrasse cette logique, la source littéraire ne peut apparaître que comme « corrompue » par la tradition manuscrite, ce qui légitime la démarche de « restitution » à laquelle se livre Langlois. En face du picard (ou de l' « artésien »), on trouve bien sûr le « francien », ce chimérique dialecte de l'Île-de-France, créé de toutes pièces au XIXe siècle par Gaston Paris et qui devrait, de la manière la plus mécanique qui soit et sans subir la moindre influence extérieure, avoir évolué vers le français standard moderne. De la même manière que Langlois transcrit Robin et Marion en « artésien », on aurait pu le faire en « francien »22. Mais, pour avoir standardisé la graphie de Robin et Marion en sélectionnant, chaque fois que c'était possible, une forme picarde, Langlois a-t-il pour autant réussi à reconstruire le dialecte que parlaient des bergers au XIIIe siècle ? L'exemple qui suit est une transcription d'un patois de la région de Valenciennes, assez proche d'Arras, datant du XVIe siècle, soit, à l'échelle de l'évolution de la langue, pas très longtemps après Robin et Marion :

V'nez cha : i fau qué j' vous raconte
Des fill' qu'al n'ont point grament d'honte.
Ch' étô diminche après déner.
Comm ej' m'en dalô pourméner,
Ej rencontris deux d' chés volage ;
Mé l'eun' des deux estô pu sage.23

On est étonnamment proche de qu'on appelle aujourd'hui le ch'ti et l'on peut gager que, vers la fin du XIIIe siècle déjà, le « vrai » parler des « vrais » bergers d'Artois ressemblait beaucoup plus à cela qu'à la langue de Robin et Marion, même trafiquée par les soins de Langlois. Peut-il vraiment exister une continuité entre Robin et Marion et ce dialecte ? On en doute : au XVIe siècle, le français littéraire est largement unifié et les traits spécifiquement picards qu'on trouvait dans les écrits du XIIIe siècle ont complètement disparu. Le compilateur de ce « patois littéraire »24 ne s'appuie donc sur aucune tradition écrite. Il met en vers le patois tel qu'il l'entend, et ce dans le seul but de faire pittoresque et d'amuser un lectorat bien choisi qui se limite probablement à la bourgeoisie lettrée de la région. Tout le contraire de la belle langue d'Adam de la Halle qui, avec ses picardismes, appartient, aussi bien que celle de trouvères originaires d'autres régions, au tronc unique du grand chant courtois.

Dès la seconde moitié du XXe siècle, les faiblesses de l'approche néogrammairienne favorisent l'émergence d'une approche dite « structuraliste » dans laquelle, renonçant à atteindre le dialecte parlé, on met en avant la notion de scripta. Selon cette approche, on considérera que Robin et Marion est rédigé dans une scripta franco-picarde, c'est-à-dire une langue écrite partiellement standardisée qui associe, dans des proportions variables, des formes spécifiquement picardes avec des formes dites « communes » qu'on pourrait rencontrer dans d'autres régions. Cette approche, en admettant que la graphie composite des manuscrits est originale et non corrompue, invalide toute tentative de remonter à un écrit dialectalement plus « pur ». Reste le problème de la diction de ces textes composites : les tenants de l'approche structuraliste se sont peu posé la question de la langue orale, et encore moins de la déclamation de textes poétiques. Mais ils tendent à attribuer à la graphie une valeur abstraite plutôt que phonétique. En suivant cette logique, l'expression graphique « bâtarde » douce puchele pourrait aussi bien être prononcée [dusə pysɛlə], si elle tombe sous les yeux d'un Parisien que [duʃə pyʃɛlə] si c'est un Picard qui doit en donner lecture : le lecteur, ayant identifié globalement la forme écrite, tendrait à la prononcer comme il le fait dans son propre dialecte, et ce indépendamment de la graphie rencontrée. La question de la pureté dialectale, évacuée à l'écrit, resurgirait donc lors de l'oralisation des textes et, suivant cette logique, l'interprète moderne pourrait être amené à faire à l'oral ce que Langlois avait fait à l'écrit.

Plus récemment encore est apparue l'approche « sociolinguistique » dont Lodge est un des tenants. Selon elle, ce n'est pas primitivement sur la langue écrite qu'opéreraient le brassage des formes et l'amorce de standardisation, mais bien à l'oral, dans ces véritables creusets linguistiques que sont les villes, en plein essor au XIIIe siècle. Alors que la pureté dialectale n'aurait de sens que dans l'espace rural, elle aurait très précocement laissé la place, dans les agglomérations urbaines, à une langue nivelée et métissée, ou koinè régionale, résultant de la nécessité, pour des personnes originaire d'horizons divers, d'échanger d'une manière efficace. Voyageant d'une région à l'autre et habitués à se produire devant des publics très divers, les jongleurs ont pu servir de vecteurs à un début de koinéisation supra-régionale dont le français unifié est le résultat final. Pour le XIIIe siècle, on les imagine volontiers comme des espèces de caméléons linguistiques, capables d'adapter en un clin d'œil leur déclamation à leur public. Indépendamment du fait qu'elle est probablement la plus solide des trois, cette dernière approche est bien sûr beaucoup plus séduisante que les autres pour les « jongleurs » modernes, car c'est elle qui leur laisse la plus grande marge d'action. Plutôt que de rechercher une pureté illusoire, ils pourront au contraire s'exercer à choisir, dans l'instant, la forme qui convient le mieux et, surtout, ne pas figer leur interprétation en une version unique et définitive.

« De tel chant se doit on vanter »

En plus de l'édition Langlois, 1896 voit aussi paraître une curieuse petite partition signée Julien Tiersot : Le Jeu de Robin et Marion, opéra-comique en un acte d'Adam de la Halle, XIIIe siècle25. Reprenant les mélodies originales sur des textes traduits en français moderne, ce spécialiste de la chanson populaire les harmonise dans le goût du XIXe siècle finissant, les agrémentant d'introductions instrumentales et de délicates modulations. Il est bien sûr conscient du caractère anachronique de ses adaptations mais, comme il l'écrit dans sa préface, « la pratique de l'art moderne a des exigences auxquelles il a fallu se soumettre ». Cette attitude rejoint la perplexité de de Langlois face aux compositions polyphoniques d'Adam :

Comparés à la complexe harmonie moderne, dont ils contiennent déjà en germe quelques éléments, ces accompagnements nous semblent rudimentaires. Il est néanmoins délicat de se prononcer sur leur valeur esthétique. La vérité, c'est qu'ils nous choquent par leur cacophonie autant que la musique moderne offenserait des oreilles du XIIIe siècle appelées à l'entendre sans préparation.
Les intervalles musicaux qui font la base de notre système harmonique étaient, au XIIIe siècle, rigoureusement proscrits, et inversement ceux qu'on trouvait alors agréables nous semblent discordants. C'est là un phénomène curieux, qui prouve que la sensibilité de l'ouïe s'est modifiée, comme l'examen des anciens traités de cuisine révèle les transformations du goût, comme d'autres observations attestent l'évolution du sens de la vue. Il nous est donc impossible d'apprécier le talent musical d'Adam, et nous devons nous en rapporter aux éloges de ses contemporains, seuls juges compétents.

On comprend mieux ainsi que Langlois ait fait subir à la musique de Robin et Marion le même sort qu'au Jeu du Pèlerin et aux « interpolations » : il aura probablement fallu la révolution atonale pour que des oreilles modernes puissent à nouveau apprécier une musique aussi subtile que celle, par exemple, des motets d'Adam.

Tiersot, quant à lui, commente ainsi son rôle d'adaptateur des mélodies :

Il s'agissait, tout d'abord, de reconnaître, sous les lourdeurs de la notation du moyen âge, le véritable rythme des mélodies.

La remarque est cocasse car ce qu'il confond avec la « notation du moyen âge » est en fait une transcription en notation moderne inspirée de Coussemaker qui, effectivement, est assez « lourde » :

musique

Mais si, jouée selon les canons d'exécution du XIXe siècle, la version de Tiersot incite à adopter un tempo plus allant, peut-on pour autant dire que, du strict point de vue de la notation, elle est plus « légère » que son modèle ? Certainement pas : la division des valeurs par deux ne change rien, pas plus que le remplacement des triolets par des apoggiatures, et l'adoption d'une mesure à 6/8 oblige Tiersot à ajouter des accents (>), ce qu'on pourra difficilement considérer comme « léger » :

musique

Ce que n'a pas vu Tiersot, et avec lui tous les éditeurs ultérieurs de la musique, c'est que la seule notation qui soit vraiment « légère » est la notation préfranconienne originale :

musique

c'est en effet elle qui recèle, de la manière la plus compacte et économique qui soit, toute l'information pertinente que les transcripteurs peinent à noter au moyen d'expédients divers et au risque de la trahir. Elle est la seule aussi à pouvoir s'intégrer dans la colonne de texte sans distendre celui-ci. Moyennant qu'on en ait assimilé les principes, ce qui, pour un lecteur à vue de compétence moyenne, ne doit pas prendre plus de quelques minutes, il devient assez facile de la lire en temps réel. Par avance, elle rend donc caduque toute espèce de transcription en une notation plus moderne et censément mieux adaptée : c'est le lecteur qui doit être adapté et non la notation !

On ne peut qu'inciter les éditeurs futurs de Robin et Marion à rester fidèles à la notation originale, laissant le soin d'une éventuelle transcription aux interprètes qui seraient désireux de mettre par écrit leurs propres arrangements, de tels exercices ne valant que dans l'éphémère d'une production particulière et ne méritant certainement pas de figurer dans une édition de la source.

Vers une redistribution des rôles ?

Jouer Robin et Marion est une expérience forte et fascinante. Comme beaucoup de formes anciennes, l'œuvre met à mal les dispositifs, les catégories et les pratiques les mieux en place aujourd'hui : le théâtre à l'italienne, par exemple, avec sa salle, son rideau, sa scène et son décor peint se prêtera particulièrement mal à l'exercice. Il faudra donc rechercher un dispositif ad hoc qui, évidemment, variera d'un projet d'exécution à l'autre. De même, ni les comédiens, ni les chanteurs, ni les danseurs, ni même les instrumentistes ne sont, à la base, formés pour aborder un tel répertoire. Trop « pointus » d'un côté, ils risquent de ne pas y trouver de quoi exprimer pleinement le talent qu'ils ont développé ; pas assez polyvalents, d'un autre, ils se sentiront dépassés lorsque les règles du jeu exigeront qu'ils sortent de leur spécialité. Confié à des musiciens, le jeu risque de se transformer en un long concert où des arrangements trop alambiqués se substitueront au texte médiéval ; mis entre les mains de gens de théâtre, il n'aura pas grand-chose à gagner des conventions et des parti-pris de la mise en scène moderne.

Pour toutes ces raisons, il n'existe pas, et il n'existera probablement jamais une « version de référence » du Jeu de Robin et Marion : comme aucune des institutions culturelles ou artistiques du présent ne peut l'accueillir en son sein, on n'imagine pas qu'une nouvelle tradition d'exécution puisse voir le jour en en proposant une « vision » susceptible d'être reprise d'une production à l'autre. Cela signifie que, à chaque fois, les interprètes devront remonter jusqu'aux racines-même du jeu, et c'est cela qui impose un modèle d'édition assez différent de celui de l'édition littéraire traditionnelle.

Comme l'auteur, on l'a vu, est un personnage pour le moins évanescent, ce n'est pas sur lui, mais sur les sources manuscrites que les interprètes potentiels doivent en priorité faire porter leur attention. Les meilleures éditions seront donc celles qui leur autoriseront l'accès le plus direct à ces sources. Par conséquent, il serait hautement profitable que les bibliothèques qui les conservent mettent à la libre disposition du public d'excellentes reproductions numériques des trois manuscrits connus. Ensuite, une édition synoptique, sur le modèle de celle de Rambeau, mais réalisée avec des moyens techniques modernes, devrait permettre d'identifier aisément les convergences et les divergences desdites sources. Sur cette base pourraient être établies des « partitions » pratiques réalisées dans le cadre de projets d'exécution spécifiques, travail d'appropriation qui doit être répété à chaque fois car il procure une expérience de l'œuvre qui n'est pas transmissible autrement et qui fait déjà pleinement partie du rôle de l'interprète.

D'une manière générale, Robin et Marion supporte mal l'adaptation : de même que la notation musicale n'a rien à gagner d'une modernisation, en fournir une « bonne » traduction en français moderne relève de la gageure. Ce qui est « léger », voire leste dans la riche langue d'Adam risque de paraître très « lourd » et même grossier dans une version traduite. Tout comme la musique, la langue originale est certainement nécessaire pour que puisse opérer l'« enchantement ». Ce sont l'interprète et le public qui devront donc « changer leur rôle » pour s'adapter au jeu, démarche exigeante s'il en est : mais tel est le prix du plaisir !

Lire Robin et Marion comme n'importe quelle œuvre littéraire, en adoptant un point de vue extérieur, est probablement aussi boiteux que de le donner sur une grande scène d'opéra, avec chef et orchestre dans la fosse. Un jeu est fait pour être joué et, là où il n'y a ni jongleurs ni dispositif scénique, il est encore possible de se le jouer (et de se le chanter) à soi-même. C'est peut-être finalement dans le « théâtre intérieur » qui est en chacun de nous, libre de toute contrainte de production, que l'œuvre d'Adam a aujourd'hui les meilleures chances de faire le bonheur de son public.



Olivier Bettens



Communication faite à la journée scientifique « Manuscrits, mètres, performances : les jeux d'Arras, du théâtre médiéval ? » organisée en vue de l'agrégation le 16 janvier 2009 à l'Université de Nantes par Véronique Dominguez, Benoît de Cornulier et Julien Goeury.


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Notes

1. Adam Le Bossu, Le Jeu de Robin et Marion, publié par Ernest Langlois, Fontemoing, Paris, 1896. Sauf mention contraire, les citations de Langlois présentées ici sont extraites de la préface et de l'introduction de cette première édition. C'est la seconde édition de Langlois (Champion, Paris, 1924) qui sert, en 2009 encore, de référence pour l'agrégation.

2. Li gieus de Robin et de Marion par Adam de le Hale; précédé du Jeu du Pélerin avec un glossaire, éd. L. J. M. de Monmerqué, Firmin Didot (Mélanges de la Société des bibliophiles français, 2), Paris, 1822.

3. Die dem Trouvère Adam de la Hale zugeschriebenen Dramen: "Li Jus du Pelerin", "Li Gieus de Robin et de Marion", "Li Jus adan", édité par A. Rambeau, Elwert (Ausgaben und Abhandlungen aus dem Gebiete der romanischen Philologie, LVIII), Marburg, 1886.

4. Les représentations publiques ont eu lieu en plein air à Hermance, près de Genève, en été 1998. Qu'il me soit permis de remercier ici toute son équipe, et en particulier l'infatigable Jean-Marie Curti qui a rendu possible cette aventure.

5. Adam de la Halle, Œuvres complètes, Edition et traduction par Pierre-Yves Badel, Livre de poche, Paris, 1995.

6. Adam de la Halle, Le Jeu de Robin et Marion, edited and translated by Shira I. Schwam-Baird, music edited by Milton G. Scheuermannn, Jr., Garland, New York et London, 1994.

7. Adam de la Halle, Œuvres complètes publiées par E. De Coussemaker, Paris, 1872.

8. La ponctuation éditoriale peut aider à l'intelligence d'un texte. Elle est par contre extrêmement gênante lorsqu'il s'agit de le déclamer.

9. Paris, BN fr. 25566. Les éditeurs le désignent tantôt par P, tantôt par W.

10. Mon édition est consultable sur <http://virga.org/robin/>

11. En 1895, il se plaignait pourtant qu'il n'existât encore aucune « édition lisible ». Cf. Langlois, Interpolations du Jeu de Robin et Marion, Romania XXIV-1895, pp. 437-446.

12. Voir par exemple Rosanna Brusegan, Encore sur le Jeu du Pèlerin : autoportrait d'Adam de la Halle ? In Maria Colombo Timelli et Claudio Galderisi, Pour acquerir honneur et pris. Mélanges de moyen français offerts à Giuseppe di Stefano, CERES, Montréal, 2004, pp. 359-365.

13. Voir Jean Dufournet, Le Théâtre arrageois au XIIIe siècle, in Danièle James-Raoul et Olivier Soutet, Par les mots et les textes, mélanges de littérature et d'histoire des sciences médiévales offerts à Claude Thomasset, Presses universitaires Paris Sorbonne, Paris, 2005, pp. 257-268.

14. Par convention, j'appelle « pastourelle » l'épisode qui fait intervenir Marion, le chevalier et Robin, soit jusqu'au refrain Aveuc tele compaignie et « bergerie » la dernière partie du jeu.

15. Il est curieux de constater que plus les éditeurs rejettent, comme apocryphe, le Jeu du Pèlerin, plus ils lui accordent leur confiance comme témoignage sur la biographie d'Adam, comme si sa « médiocre qualité littéraire » en faisait automatiquement un document crédible pour un historien.

16. Véronique Dominguez, Prologues, rimes, personnages dans le Jeu de Saint Nicolas de Jean Bodel, le Jeu de la Feuillée et le Jeu de Robin et Marion d'Adam de la Halle, in Christelle Reggiani, Claire Stolz & Laurent Susini, Jean Bodel, Adam de la Halle, Des Périers, Viau, Voltaire, Hugo, Bernanos, Presses universitaires Paris Sorbonne, Paris, 2008.

17. La pastourelle contient la quasi-totalité de la musique de Robin et Marion et la féerie le seul fragment musical inséré dans la Feuillée. Faut-il en déduire que la féerie pouvait comporter plus de musique que n'en note le manuscrit ?

18. Omer Jodogne, Audigier et la chanson de geste, avec une édition nouvelle du poème, Le Moyen-Âge, 66-1960, pp. 495-526.

19. C'est en tout cas ce que laisse entendre le dernier alexandrin du Jeu du Pèlerin.

20. J'ai essayé d'empoigner le problème selon le point de vue de l'interprète dans Chantez-vous français ? <http://virga.org/cvf/>

21. Anthony Lodge, Les débuts de la standardisation du français, in J. Durand, B. Habert et B. Laks, Congrès mondial de linguistique française, Institut de Linguistique française, Paris, 2008.

22. Personne ne semble s'être livré à cet exercice pour Robin et Marion mais E. Stengel (Zum Mystère von den klugen und thörichten Jungfrauen, Zeitschrift für romanische Philologie, 3-1879, pp. 233-237) a par exemple produit une version en « pur francien » du Sponsus de Limoges. Voir à ce propos Bettens, Le Sponsus de Limoges : langue d'oc ou langue ad hoc ? <http://virga.org/cvf/sponsusi.php>.

23. Des fill' qu'al n'ont point grament d'honte, prologue. Extrait de Louis-Fernand Flutre, Le moyen picard d'après les textes littéraires du temps (1560-1660), Musée de Picardie, Amiens, 1970.

24. A partir du XVIe siècle, on voit fleurir des patois littéraires dans de nombreuses régions. Voir à ce propos Zygmunt Marzys, De la scripta au patois littéraire : à propos de la langue des textes francoprovençaux antérieurs au XIXe siècle, Vox Romanica, 37-1978, pp. 193-213.

25. Editée par E. Fromont, Paris.